Depuis plusieurs années déjà, l’ophtalmologie est souvent citée comme l’une des spécialités où les délais d’attente sont les plus longs pour obtenir un rendez-vous de consultation. Si à Paris ou dans les grandes métropoles, le délai moyen est de quelques semaines, il passe à plusieurs mois dès qu’on sort de Paris et peut atteindre une année dans certaines villes de province de moyenne importance. Et même à Paris où l’offre de soins est importante, certains praticiens annoncent parfois des délais de plusieurs mois.
Cet accroissement des délais d’attente s’explique par une double conjonction : la population augmente (d’environ 300 000 personnes par an) et vieillit d’une part alors que d’autre part, le nombre d’ophtalmologistes en exercice diminue de façon importante.
Le vieillissement de la population entraine mécaniquement une augmentation exponentielle des pathologies liées à l’âge telles que la cataracte, le glaucome ou la DMLA. Le nombre de chirurgies de cataracte réalisées en France a été multiplié par 6 au cours des 25 dernières années. Les injections intraoculaires qui représentent le traitement de base de la DMLA, n’existaient même pas il y a encore 10 ans, et les examens d’imagerie nécessaires pour la surveillance représentent également une très grosse source d’activité.
Parallèlement à cela, les contraintes imposées par le numérus clausus montrent que si les ophtalmologistes sont environ 5500 actuellement, leur nombre devrait diminuer de l’ordre de 40 % d’ici 2025, car le faible nombre de postes d’ophtalmologistes offert aux Internes de Paris et d’ailleurs, ne compensera environ qu’un départ à la retraite sur deux. Les projections faites par le SNOF (Syndicat National des Ophtalmologistes Français) montrent ainsi que si en 2010 les ophtalmologistes réussissaient à effectuer les 32 millions d’actes annuels correspondant aux besoins sanitaires réels, ils ne pourront en 2025, du fait de leur diminution, réaliser que 19 millions d’actes alors que les besoins devraient s’accroitre pour atteindre 43 millions d’actes !
La seule façon d’endiguer cette pénurie annoncée serait de doubler le nombre de postes d’ophtalmologie proposés aux étudiants reçus au concours de l’Internat, passage obligé pour l’accès aux spécialités. Actuellement, sur Paris et la province, l’ophtalmologie ne représente qu’1,5 % des postes alors qu’il faudrait 3% pour seulement maintenir au niveau actuel le nombre d’ophtalmologistes Français.
D’autres domaines de l’ophtalmologie connaissent aussi un essor important et c’est la cas par exemple de la chirurgie réfractive avec une demande croissante de chirurgies de la presbytie mais également de chirurgies de la myopie. La chirurgie réfractive, qui a vraiment démarré il y a 25 environ est ainsi devenue une véritable spécialité au sein de l’ophtalmologie. Si elle est assez développée à Paris et dans les grandes villes, certaines régions sont sous-équipées pour répondre à une demande chirurgicale qui est alors souvent orientée vers Paris ou vers les autres grands centres urbains.
Seules des décisions politiques permettront peut-être dans l’avenir d’éviter cette pénurie annoncée d’ophtalmologistes en France.
Docteur Arié Danan. Paris, le 20 juin 2012.